01 sept. 2022

Le sujet du jour : l’encadrement juridique des photographies

Le Livre Blanc a pour ambition de répondre, de façon synthétique et pragmatique, aux principales problématiques juridiques auxquelles peuvent être confrontées les photographes en France.

Il a été conçu avec l’expertise du cabinet AVOCONSEIL et le soutien de nos partenaires l’AG2R La Mondiale et l’Opcommerce.

Le livre blanc et les webinars associés sont consultables entièrement gratuitement sur le site www.fnp-photo.fr. 

Philippe PAILLAT Président.

Le droit d’auteur et les photographies

L’encadrement juridique des photographies

S’il est évidemment nécessaire d’appréhender les conditions juridiques et fiscales de la profession de photographe pour exercer sereinement son activité, il est tout aussi important de connaître le droit applicable au fruit de son activité à savoir la photographie.

Cette dernière fait en effet l’objet d’un régime juridique spécifique et parfois ambivalent, s’articulant entre le droit d’auteur – dont l’objectif est de protéger le travail du photographe – et le droit à l’image, qui vient cette fois-ci veiller sur les droits des individus vis-à-vis du photographe.

En d’autres termes, si le photographe souhaite se prévaloir d’un droit d’auteur sur son travail, encore faut-il qu’il ait préalablement réalisé ses photographies en toute légalité, dans des conditions aptes à garantir le respect du droit des individus ! Ce dernier aspect prend d’ailleurs une importance toute particulière à l’heure du numérique, les photos pouvant être aisément dématérialisées, stockées, dupliquées et diffusées sur le web.

Autant de problématiques qui doivent désormais être abordées.

A) Le droit d’auteur et les photographies

Le droit d’auteur a pour objet la protection par le Code de la propriété intellectuelle de l’auteur d’une « œuvre de l’esprit » : « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous »[1] qui s’articule autour de prérogatives d’ordre moral et non économique (le « droit moral ») et de prérogatives d’ordre pécuniaire (le « droit patrimonial »).

Le droit d'auteur ne peut bénéficier qu’à une personne physique (ou à plusieurs personnes physiques dans le cas d'une œuvre collaborative), y compris si cette personne a créé l'œuvre en exécution d'un contrat de travail. Par conséquent, seul le photographe personne physique (et non personne morale) bénéficiera du droit d’auteur sur ses œuvres[2].

En outre, le Code de la propriété intellectuelle inclus expressément la photographie dans la catégorie des œuvres de l’esprit : « Sont considérés notamment comme œuvres de l’esprit au sens du présent code : […] 9° Les œuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie »[3].

Par conséquent, au regard de l’ensemble de ces dispositions – et schématiquement –, l’œuvre d’un photographe ne peut être reproduite par quelque moyen que ce soit sans son autorisation.

Pour autant, pour que cette protection fonctionne, encore faut-il que la photographie puisse être qualifiée d’œuvre.

1) Le droit moral

Le droit moral est avant tout un droit « non pécuniaire » permettant au photographe de faire respecter son œuvre à tout moment ; il s’agit en fait d’un droit de regard perpétuel sur son œuvre et sur la manière dont celle-ci est exploitée

Le droit moral est un droit inaliénable et imprescriptible ce qui signifie que le photographe ne peut pas y renoncer, ni le céder à un tiers, même par la voie contractuelle. De ce fait, la clause d’un contrat qui envisagerait une telle cession serait nulle.

Ce droit est en outre perpétuel ce qui signifie qu’il ne s’éteint jamais, pas même à la mort du photographe : il se transmet à ses héritiers ou ayants droits et ne tombe jamais dans le domaine public, contrairement au droit patrimonial.

Enfin, toute atteinte au droit moral du photographe est constitutive de contrefaçon et peut faire l’objet de poursuites, aussi bien sur le plan civil que sur le plan pénal.

En vertu du droit moral, plusieurs prérogatives sont attribuées au photographe dont le respect de son nom, de sa qualité ou encore de son œuvre ainsi que le respect de son droit à la divulgation :

  • Le droit au respect de son nom (ou droit de paternité) 

Il s’agit du droit (facultatif) pour le photographe d’exiger que l’exploitation de son œuvre soit associée à son nom afin de le rattacher clairement à celle-ci. Cela peut se caractériser par l’insertion d’un crédit photo à côté ou sur la photographie afin qu’il en soit indissociable.

Pour autant, ce crédit doit être explicite et dénué d’ambiguïté, comme l’a rappelé la jurisprudence qui a estimé que ce droit n’était pas respecté lorsque sont simplement apposées les initiales du photographe[4].

  • Le droit à la divulgation de sa photographie

A travers ce droit, seul le photographe - en tant qu’auteur - peut décider de divulguer ou non, pour la première fois, son œuvre au public. Les conditions et les procédés choisis pour la divulgation sont aux seuls choix du photographe et aucun client, aucun tiers ni aucune autorité ne peuvent le contraindre, par quelque moyen que ce soit, à la communiquer au public, même si une commande a été passée auprès du photographe !

  • Le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre

Le photographe peut, en vertu de ce droit, s’opposer à tout moment à toute modification qui viendrait altérer son œuvre telle qu’initialement publiée. Cela couvre notamment toute suppression, ajout d’éléments, recolorisation ou utilisation d’un logiciel de retouches sur les photographies, sans le consentement du photographe.

  • Le droit de repentir ou de retrait

Le photographe peut à tout moment revenir sur son droit de divulgation, même en cas de cession des droits patrimoniaux. Cependant, dans un tel cas, il faudra qu’il indemnise le cessionnaire au titre du préjudice que celui-ci a subi.

1)   Le droit patrimonial

Contrairement au droit moral, le droit patrimonial est un droit dit pécuniaire :  il permet au photographe ou à ses ayants droits d’exploiter son œuvre sous quelque forme que ce soit durant toute sa vie puis durant les 70 années suivant son décès. A travers ce droit, le photographe peut céder ses droits à un tiers et demander à ce titre une indemnisation. Cette cession se formalisera par un contrat dont le contenu devra être, en vertu du Code la propriété intellectuelle, très précis.

Le droit patrimonial intègre le droit de représentation et le droit de reproduction.

  • Le droit de représentation
En vertu de ce droit, le photographe bénéficie du droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la représentation, même partielle, de son œuvre.Par représentation », il convient d’entendre toute « communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque »[5].

A titre d’exemple, cette représentation peut se formaliser par la publication d’une photographie dans un journal, sur un réseau social ou lors d’une exposition.

  • Le droit de reproduction

Ce droit permet au photographe d’autoriser ou d’interdire toute reproduction de son œuvre. La reproduction consiste, selon le Code de la propriété intellectuelle, en « la fixation matérielle de l'œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d'une manière indirecte »[6]. Ceci peut concerner une reproduction de la photographie sur un support physique ou bien sur un support dématérialisé (disque dur ; internet).

Tout comme le droit de représentation, ce droit peut être cédé à un tiers moyennant une rémunération. Cette cession devra être très précise et notamment, elle devra clairement identifier le mode d’exploitation qui est envisagé.

L’avis de la FNP

L’évolution des pratiques photographiques liée à l’usage des smartphones, les possibilités d’échanges instantanés des images via les réseaux sociaux et l’adaptation des grands opérateurs culturels  à cette culture de l’image pervasive ne permettent plus aux auteurs d’exercer réellement leur droit de reproduction dans le cadre privé alors même que celui-ci est étendu à l’audience des réseaux sociaux.  Cette circulation difficilement contrôlable est acceptable — voire recherchée ! — tant qu’elle apporte à l’auteur une audience et une notoriété. Elle reste inacceptable dès lors que cette reproduction est valorisée commercialement à l’insu de l’auteur. Les réseaux qui profitent de ces échanges à caractère social et culturel jouent sur l’ambiguïté…





[1] Article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle.

[2] Une seule exception notable est envisagée par le Code de la propriété intellectuelle : une personne morale peut être le titulaire d’un droit d’auteur sur une œuvre collective lorsque celle-ci est créée à son initiative et sous sa direction.

[3] Article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle.

[4] TGI Paris, 3ème ch., 2ème section, 24/5/2013, RG 11/18256.

[5] Article L. 122-2 du Code de la propriété intellectuelle.

[6] Article L. 122-3 du Code de la propriété intellectuelle.

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